Cela fait quatre mois que Wiki, Bo et moi avons terminé notre voyage dans l'île du Nord. Voici quelques nouvelles!
Wiki pour les handicapés
Notre voyage s'est achevé près de Levin, sur la côte Ouest, après un détour de 100 km pour passer les Tararua Ranges, une chaîne montagneuse. J'avais décidé d'aller versà Levin car c'est là qu'est basé A2B transport, une entreprise spécialisée dans le transport de chevaux dont on m'a recommandé les services. De là il sera aisé de faire transporter Wiki dans l'île du Sud. Ça s'est avéré pratique pour Bo également, que Yakov réclamait à Hastings: grâce à A2B transport, il a été rapidement rendu à son propriétaire.
Alors que nous étions en route pour Levin nous avons eu la chance incroyable de rencontrer Rick Schimpf, le président de la branche locale de Riding for the DisAbled (RDA). Cette association, très active grâce aux nombreux volontaires et donateurs, donne aux personnes handicapées la possibilité de monter à cheval. RDA Levin avait justement besoin de chevaux supplémentaires, et Wiki avec son caractère très doux est parfait pour le job. Grâce à Rick, il a été prêté à RDA jusqu'à octobre prochain, où il reçoit d'excellents soins tout en faisant de bonnes actions. Après avoir été un cheval de course, chassé le cochon, tiré une roulotte, été bâté et rassemblé les moutons, il ajouté une nouvelle corde à son arc: il appartient maintenant au club select des "RDA horses"!
J'ai été plusieurs fois à RDA Levin et j'ai été séduite par l'organisation, l'implication des volontaires et leur bonne humeur. Trois fois par semaine les chevaux sont attrapés, soignés, nourris (chacun a son régime) et sellés. Puis les clients arrivent, principalement des adultes handicapés. Ils sont guidés dans la carrière pour faire des activités. Leur cheval est généralement tenu en longe et ils recoivent plus ou moins d'aide selon leur handicap et leur expérience des chevaux. Quand ils montent à cheval ils sont comme tout le monde dans le sens où cela leur procure des émotions fortes, des appréhensions à surmonter et beaucoup de plaisir.
De retour à Hastings chez les Bakers
C'est une bonne chose d'avoir réglé la question des chevaux, mais pas facile de me passer d'eux, qui avaient été mes meilleurs amis, moyen de transport et activité à plein temps pendant cinq mois. Je suis particulièrement triste de me séparer de Bo, avec qui je ne voyagerai plus. Arriver à destination avec des chevaux en bonne santé m'avait toujours semblé une perspective lointaine, tant je redoutais qu'un accident survienne entre temps. Mais une fois arrivée au bout du périple il me semble que la ballade était un peu courte, et qu'elle se termine trop tôt. Heureusement qu'entre temps j'ai décidé de rester en Nouvelle Zélande un an de plus pour parcourir l'ile du Sud. Il me faut juste patienter pendant l'hiver.
D'abord, il me faut un nouveau moyen de transport. En peu de temps je deviens une spécialiste du marché du campervan, qui s'effondre chaque année précisément en juin quand les pevétistes européens (ie détenteurs d'un visa vacances-travail) retournent chez eux profiter de l'été plutôt que de subir l'hiver ici. Le peu de personnes intéressées par des van à cette période de l'année peuvent faire de bonnes affaires. J'achète le mien à Auckland, à un couple de français.
Profitant de ma nouvelle mobilité je fais plus de 1000 km, rendant visite à pas mal de mes récents amis. Je mets aussi pour la première fois les pieds a Wellington, la capitale, d'où on peut voir au loin les montagnes de l'île du Sud!
Les derniers amis à qui je rends visite sont les Bakers. Trois mois plus tard, je suis toujours chez eux! Ils hébergent Yakov depuis des mois, ainsi que Buba, et Bo les a récemment rejoint. Mais ils ont un coeur tellement grand qu'ils m'accueillent aussi. J'adore vivre avec Vale, Malcom, Jenna et Sam (8 et 10 ans). Leur maison est remplie de vie, d'animaux et de créativité. Par exemple, ils ont une tyrolienne pour passer d'un pré à l'autre, au dessus d'une rivière!
Ils me traitent comme si je faisais partie de la famille, tout en me faisant partager leur culture. Il m'ont par exemple emmenée à l'aquarium de Napier pour que je vois un vrai kiwi (très particulier oiseau sans aile qu'on ne trouve dans aucun autre pays au monde). Autre exemple, on a regardé "en famille" Whale Rider, un magnifique film néo-zélandais (suite à quoi Jenna s'est demandé si tous les autres films sont "made in China").
Et tout naturellement, je m'imprègne au quotidien du "lifestyle" kiwi. Par exemple un jour Malcolm me dit que Vale est "allée en ville chercher de la viande". Je me fais la remarque qu'il faut vraiment avoir très envie de viande pour faire 60km exprès, mais quand Vale revient je comprends que ça vallait le coup: elle ramène une vache entière, une de son propre élevage, qui est passée entre les mains du boucher et dont les pièces détachées remplissent maintenant le congélateur!
On n'est jamais a court de chevaux et poneys chez les Bakers: en comptant Buba et Bo ils en ont seize! Il y en a toujours un à monter... Ou à atteler! J'ai même eu la chance de participer à une chasse à courre. Le fait de sauter par dessus des clôtures me faisait un peu peur, mais j'ai vite été séduite par la discipline. Des douzaines de cavaliers à la tenue codifiée étaient rassemblés, ainsi qu'une meute de chiens, des lièvres (malgré eux), un "maître d'équipage" et des "valets de chiens" qui font claquer leur fouet pour garder les chiens sur la bonne piste. Les participants suivent le maître et la meute à l'allure qu'ils veulent, en passant où bon leur semble, le tout dans des endroits magnifiques, inaccessibles par ailleurs. La chasse à courre procure autant d'adrénaline que les compétitions d'obstacles, mais c'est aussi prétexte à de longue ballades à cheval, combinant tout ce que l'équitation a de meilleur.
Je prépare activement la prochaine partie du voyage et les Bakers m'offrent une base idéale. Je vais avec Vale à des conférences sur la santé des chevaux, et même à un atelier sur les premiers soins qu'on lui a demandé d'animer! À la maison on trouve tout ce qu'il faut (outils et savoirs-faire) pour bricoler du matériel. Par exemple, les Bakers ont une machine à coudre industriele, qui coud le cuir. Leur bibliothèque est pleine de livres sur le dressage et l'harnachement des chevaux, et leur garage abrite de quoi équiper un régiment - notamment des bâts militaires. Malcolm ferre les chevaux lui-même et m'apprend un peu. Il dirige un atelier de fabrication de pièces sur mesure et a construit selon mes désirs une "ancre à chevaux", qui est facile à planter dans le sol mais y tient très bien. Enfin, il m'a mis en contact avec Hepa Paewai, organisateur du "Great New Zealand Trek" (randonnée à cheval à but caritatif qui réuni tous les ans plus d'une centaine de personnes). Hepa fait fabriquer localement des caisses en plastique se fixant sur le bât. C'est une chance, car le fait qu'un moule existe en Nouvelle Zélande est un secret bien gardé. Même Google l'ignore, alors comment le saurai-je, sans Malcolm et Hepa?
Le bouche à oreille est extrêmement puissant en Nouvelle Zélande, car vu la taille de la population, même si on ne connaît pas une personne, on connaît toujours quelqu'un qui la connaît. C'est ainsi qu'un jour Larissa et Kendall ont debarqué chez les Bakers. Ces deux filles s'apprêtent à flâner à cheval en Nouvelle Zélande elles aussi, et elles ont entendu parler de mon voyage par Brando (alias "Wild Boy"). Coïncidence, elles habitent à 20 minutes d'ici. On se voit souvent pour échanger sur nos passions communes: les noeuds, les vêtements de pluie, le matériel ultra léger, le saddle fitting, d'équitation éthologique, les sacoches de selles, les cartes topographiques... C'est agréable de se retrouver entre geeks du voyage à cheval!
Mééééééé si, je travaille!
J'ai attaqué la recherche d'emploi avant même d'avoir fini de voyager à cheval. J'ai postulé en parallèle dans les stations de ski, dans les centres équestres et dans l'IT, ma branche habituelle. Comme rien de tout ça n'aboutissait, j'ai commencé a chercher "autour de chez moi", à Hastings. Peu de temps après, j'étais recrutée pour tailler les vignes, l'occasion de vivre l'immigration de l'intérieur... La majorité des employés étaient des européens comme moi. Étant payé au pied, personne n'a réussi à gagner le salaire minimum légal. Le plus rapide de tous s'est fait 70 dollars en une journée, quand le minimum légal est autour de 110 dollars. Écoeurés, la plupart sont néanmoins revenus le lendemain, n'ayant aucun autre moyen de payer leur lit en auberge de jeunesse. L'employeur sait qu'il est dans l'illégalité, mais il sait aussi que les routards ne sont pas en mesure de le traîner en justice.
Alors que j'étais sur le point de rentrer en France, mon billet d'avion étant payé d'avance et ne voyant pas grand intérêt à passer l'hiver ici sans un travail digne de ce nom, j'ai reçu un coup de fil. J'avais fait la connaissance de Paul plusieurs semaines auparavant, quand je faisais du porte à porte pour trouver un job. Il dirige "On farm research", un élevage de moutons et de boeufs qui fait de la recherche scientifique sur le fourrage et la production animale. Cette époque de l'année, avec le vêlage et l'agnelage, est tellement chargée qu'il cherchait un extra. Qui plus est, j'avais le temps de rentrer en France pour un court séjour avant de commencer à la ferme, l'occasion de voir famille et amis, et de gérer mes petites affaires administratives. On a aussi pu, Stéph et moi, prendre nos billets d'avion ensemble, décidant de nous arrêter en Australie, en Malaisie, en Chine et en Mongolie sur le chemin du retour...
Quand je reviens en Nouvelle Zélande c'est pour découvrir que mon travail consiste principalement à m'occuper d'une cinquantaine d'agneaux abandonnés par leur mère, du jour de leur naissance jusqu'à ce qu'ils soient sevrés. Et après les agneaux viennent les veaux... Non seulement je donne le biberon à d'adorables agneaux, mais j'ai aussi de chouettes collègues. Un jour, l'un d'eux à été chargé d'accompagner des vaches qui étaient exportées par bateau au Mexique. Il a embarqué avec son surf, pour pouvoir surfer les côtes mexicaines à l'arrivée! Ils sont attentionnés envers moi, me proposant même de faire une mise à bas! J'arrive juste à temps pour voir poindre un minuscule sabot, et partir à tâtons à la recherche de la tête, car il faut tirer sur au moins la tête et une patte en même temps. Au bout du compte, ce sont deux petits agneaux terrifiés qui voient le jour. Je me demande encore comment la brebis sais qu'elle est censée les nettoyer avec sa langue, alors que ce sont ses premiers petits et que personne ne lui a rien dit!
Derniers jours dans l'Ile du Nord
Mes derniers jours dans l'Ile du Nord sont intenses et émouvants, me rappelant mon départ de France un an plus tôt: je laisse des amis, une famille et des collègues! Des amis m'emmènent faire un tour sur un Waka, embarcation traditionnelle Maori. Mon séjour chez les Bakers se termine sur un week end ski. C'est la première fois que les enfants voient la neige, pour eux, c'est tout simplement "le pôle Nord". Les collègues organisent un repas en mon honneur, avec même une spécialité francaise: des escargots! Trouvés le matin même dans un abreuvoir, joliment présentés dans une assiette avec un peu de salade. Ils n'y resteront pas longtemps, préférant partir explorer le buffet!