Des eoliennes et des chevaux
Peter se révèle être un homme de cheval très accompli (en ayant débourré des centaines). Son nouveau dada, ce sont les cerfs, qu'il éleve derrière de hautes clôtures. Il me fait visiter l'élevage et ses installations spécialisées. Puis je pars sous une bonne pluie, à nouveau en tête a toupet avec Wiki et Bo. On rejoint assez vite le bitume et Ekatahuna, la ville du coin. Pratique pour faire des courses, mais peu plaisant à cheval! Pour me changer les idées et me donner un objectif, j'appelle Gary, l'organisateur de "Ballance School Horse Trek" (la prof venue avec sa classe visiter Castlepoint Station m'avait remis un flyer). Gary m'invite à participer et propose même un hébergement pour les chevaux et pour moi (dont je n'aurai finalement pas l'usage, mais n'empêche c'est sympa). La nuit approche vite (surtout qu'on est passé à l'heure d'hiver) et il pleut toujours. Attirée par de la lumière, je débarque chez Avon et Jo, producteurs laitiers passionnés, chasseurs, joueurs de hockey et amateurs de chevaux. Mais pas autant que leur voisine Cath, qui prévenue de ma visite surprise nous rejoint dans la soirée. A partir de là, tout s'enchaine. Cath met en branle son réseau et organise les étapes suivantes. Elle m'accompagne une journée, malgré la pluie décidément bien installée, et trouve même deux autres cavalières motivées! C'est bien agréable de ne s'occuper de rien, sans parler du fait que d'avoir de la compagnie, ça réchauffe! Cath repart après m'avoir confiée aux bons soins de Christine et Gary, puis me retrouve le jour suivant à Ballance afin de faire les présentations avec ma nouvelle hôtesse, Debbie. J'ai aussi (grâce à Avon) rendez-vous avec un maréchal: Lou, 23 ans mais déjà des milliers de ferrages a son actif. Il referre bien proprement Wiki et Bo. Il fini dans le noir, éclairé par les phares du quad d'un voisin qui passait par là! Après ça, c'est Debbie qui m'éclaire de ses phares pour mettre les chevaux au pré. Je fais la connaissance de son marie Dean, qui a appris quelques mots de français sur internet à mon intention. Ils acceptent gentiment que je reste quelques jours pour me reposer. Mais d'abord, il y a le fameux Ballance School Horse Trek, où vont d'ailleurs Cath et Debbie. On compte une vingtaine de cavaliers, et à peu près autant de personnes pour l'organisation (on ne manque de rien: café, petits gâteaux, barbecue au sommet,...). On se rend à la "ferme aux moulins à vent" (windmills farm), une crête plantée d'éoliennes, qui offrent un cadre décalé assez exceptionnel, mais font un peu peur à Wiki! Wiki et Bo passe les jours suivants à brouter de riches pâturages (les mêmes que les vaches laitières), avec comme voisins de pré Harry, le cheval de Debbie, et trois alpagas! Le fermier, Darcy, leur donne en plus du foin chaque matin. Pendant ce temps, Debbie me sort, me fait visiter le coin, et me présente a ses copines. On retourne voir Christine, qui fabrique des seaux en toile dans une vieille couverture (une relique du défunt cheval de Debbie), et m'offre même des vêtements chauds! Elle avait remarqué quand j'étais de passage chez elle que mes sacs de recup' tenaient mal la distance et que je portais toutes mes couches sur moi. Debbie me montre aussi comment retrouver tout l'historique de Wiki sur internet, grâce a son tatouage. J'apprends qu'il aura 10 ans le 23 octobre et qu'il s'appellait Murdoch! Il y a même des vidéos où on le voit tenir la tête du peloton pendant toute la course (et finir malgré tout dernier). Enfin, Debbie m'emmène chez les voisins et même au conseil municipal pour trouver un itinéraire hors trafic. Ce n'est pas évident, je suis maintenant à l'ouest d'une barrière rocheuse qui délimite une zone assez urbaine, il n'y a plus de grandes "stations" mais une multitude de petits prés pour les vaches laitières, un casse-tête à traverser. Par miracle, je suis autorisée à traverser une réserve, ce qui donne accès à quarante kilomètres de ballade dans la nature - "bush", prairies et forêt tropicale. Pour y accéder, je dois repasser par le parc éolien. Bo en a très peur, et je suis bien contente que Wiki ait eu l'occasion de venir en reconnaissance, car j'aurai du mal a gérer deux chevaux électrisés comme l'est Bo! Je suis aussi reconnaissante envers le fermier du coin, Graham, qui a installé toutes sortes d'indicateurs pour que je prenne le bon chemin (rubans dorés, peinture rouge...). Je passe la nuit chez les Ritchie, Daniel, Vanessa et leurs filles Ella et Jemma, que je fais monter à poney sur Wiki. En échange, la plus petite (cinq ans) me donne une bonne leçon sur son jeu vidéo préféré! En quelques coup de fils, Daniel a trouvé la personne suivante chez qui m'arrêter: Martine, une belge francophone qui a des chevaux!
Derniers galops dans l'ile du nord
Ca sent l'hiver et la fin du voyage (en tous cas pour cette année), aussi je ne me presse pas. Je reste une journée entière chez Martine, qui me fait profiter de ses bons petits plats végétariens. Quand je pars, elle m'accompagne (sur Bo) ainsi qu'une copine à elle (sur une jument Kaimanawa, les chevaux sauvages de Nouvelle Zélande). Nous faisons ensemble les premiers kilomètres chez le fermier voisin, qui a un mouton de compagnie!
Je continue sur la "highway 57", aucune autre option ne s'étant profilée. Tentant sans succès d'y échapper, je visite plusieurs impasses de fond en comble et interroge tous les riverains. L'un d'entre eux m'avoue qu'il est lui aussi bien embêté, car il a le même problème en tracteur!
Alors que je suis presque résignée à faire les vingt prochains kilomètres en pleine circulation, un denommé Jeff m'aiguille vers un beau chemin parallèle à la route. Surprise: il me rejoint à la sortie du chemin, avec sa fille Kim, 23 ans, cavalière, équipée d'un casque et d'un gilet fluo! Je fini la journée comme je l'ai commencé: sur Wiki, Bo étant mon " cheval d'ami". On retrouve la highway 57, mais, malgré ce cadre peu idyllique, Kim est enthousiaste et en sa compagnie les kilomètres de goudron passent mieux.
Je m'installe chez Rick, un contact de Martine, pour un séjour qui durera plus de deux jours. Il a 69 ans et a débuté l'équitation a 40 ans, mais ne recule devant aucun challenge: il a un mulet croisé clydesdale (qui s'appelle Bruno...). Rick organise des ballades à cheval dans la région (Levin and District Horse Trek) et préside la branche locale de Riding For Disabled, une association qui grâce aux dons et au bénévolat donne accès à l'équitation à des personnes handicapées.
Il trouve malgré tout le temps de m'emmener repérer l'itinéraire. On frappe à quelques portes pour déterminer où traverser la rivière Ohau. Les berges sont privées, mais des deux côtés les propriétaires sont arrangeants et me donnent la permission de traverser. L'un d'eux nous confie qu'il vient de faire demi-tour car son tracteur (dont les roues font la taille d'une personne) menaçait d'être emporté par les flots... C'est donc moyennement confiante quant à ce passage que je pars de chez Rick. Il me guide à cheval, sur sa fidèle jument apaloosa jusqu'à la première ferme, celle de Bruce Mitchell. Bruce propose de m'escorter en quad pour m'éviter de me perdre dans les prés, et je lui propose en échange de monter Bo. Il n'est pas monté à cheval pendant 20 ans et a la jambe raidie par un genou artificiel, mais il saute sur l'occasion, prend aussi Wiki en longe, et n'hésite pas à lancer les chevaux au trot et au galop! Je me retrouve avec le quad, que je manque de noyer dans un cours d'eau bien plus profond qu'il n'en avait l'air (les chevaux, qui passent après, ont de l'eau jusqu'au ventre!). A part ça, c'est plutôt relax, j'ai le temps de prendre des photos et de ramasser des champignons.
Bruce ne repart qu'après m'avoir amenée à la ferme suivante (celle de Daniel). J'ai un petit bout de route avant la fameuse rivière, et je rencontre pour la première fois un marcheur de Te Araroa, parti il y a des mois de cela de Bluff, la pointe sud de l'ile du sud, et se dirigeant vers Cape Reigna, tout au nord. Entres autres aventures, il me raconte avec le sourire qu'il a marché en dépit d'avoir mal aux pieds, jusqu'à en perdre des orteils! (www.rambleon.co)
Reste la rivière, qui finalement passe comme un lettre a la poste, mais dont l'attente a pimenté ma journée! Je fais étape chez Melda, une très gentille éleveuse de chevaux de saut d'obstacle. C'est Robbie Lammas qui m'a orienté vers elle. Robbie Lammas, chez qui je m'arrête le jour suivant, est un ancien jockey, ainsi que sa femme Rosie, et preuve que les chiens ne font pas des chats, ils ont donné naissance a trois jockeys, deux garçons et une fille! Robbie et Rosie sont "stewards" aux courses: ils accompagnent à cheval les concurrents vers les starting blocks. J'aurai plus tard l'occasion de les voir à l'oeuvre aux courses d'Otaki, et même de gagner quelques dollars en pariant sur leur fils Buddy! Robbie organise aussi des randonnées pour un poney club depuis plus de vingt ans, il connait donc la région comme sa poche. Contacté une semaine auparavant, il m'a donné un tas d'informations et de contacts utiles, par exemple le numéro des personnes dont je dois traverser les fermes. Ce que je ne sais pas, c'est qu'il prend soin de les appeler lui-même au préalable, pour les prévenir "qu'une jeune chinoise va les appeler". Il parait qu'au téléphone j'ai un accent exotique digne d'un call center asiatique!
Une autre journée de ballade m'amène sur les plages de la côte ouest et à ma dernière étape sur l'ile du nord, chez Mary Pagnamenta. Mary est une britannique qui a également fait un voyage a cheval en Nouvelle Zélande, il y a une douzaine d'années. Elle a depuis immigré et vit (entre autres!) avec son cheval de voyage, Foggy, qui a maintenant 26 ans.