Wiki, Waka et Steph
Des dauphins se montrent lors de la traversée en ferry vers l'Île du Sud, ce qui ne peut être qu'un bon présage. À l'arrivée, je suis accueillie par Spike, ami de Nigel et Carla (chez qui j'avais fait étape avec les chevaux quelques mois plus tôt). Spike a accepté, sans me connaître, de m'héberger avec Wiki, voir avec deux chevaux en plus! Le Wiki me rejoint quelques jours plus tard grâce à A2B transport. On est tous les deux royalement installés chez Spike. Sa maison est un vrai cabinet de curiosité. Il y a toujours de la musique et la porte est toujours grande ouverte, de toutes façons il n'a pas la clef! Avec ses enfants qui ont la vingtaine et tous les amis de passage, il y a de l'ambiance. Son collègue de boulot, Rob, n'est autre que "Rob de Hurunui horse trek", fondateur de la principale agence de randonnée à cheval en Nouvelle Zélande. J'avais entendu parler de lui mais je ne savais pas comment le trouver, c'est chose faite! Dans le même goût, le maréchal ferrant local, Earl, n'est autre que le neveu de Hepa Paewai, qui m'a aidé à préparer mon matos à Hastings.
En dehors de quelques heures par jour en tête à tête avec mon cher Wiki, je consacre tout mon temps à la recherche de chevaux. Il n'y en a pas tant que ça dans la région et en une semaine je vois tous ceux qui sont à vendre dans un rayon de 100km. En règle générale, les gens gardent leurs bons chevaux et vendent les mauvais: j'en vois des tordus, des léthargiques, des névrosés, des boiteux. Le dernier cheval que j'essaie, Jacka, est bien au dessus du lot. Il a 9 ans, c'est un ex cheval de course comme Wiki (il en a même gagné... une!). Depuis quelques années il a rejoint la promenade à cheval "High Country Horse Trek", mais les propriétaires Rod et Sarah lui trouvent un peu trop de caractère. C'est tant mieux pour nous! Rod et Sarah me proposent de me baser chez eux. Wiki rejoint donc Waka (sitôt acheté, sitôt rebaptisé) dans son "paddock paradise", une énorme colline où ils entretiennent leur forme tout en broutant.
Je les abandonne le temps d'aller chercher Steph à l'aéroport de Christchurch. Au passage, nous rencontrons pour la première fois Tony et sa femme Fiona, qui nous ont beaucoup conseillés, notamment sur l'itinéraire. On en repart en ayant hâte de poser les sabots dans les paysages entrevus sur google earth. Il nous manque encore un cheval, mais on a décidé de partir quand même!
Trois semaines pour remplir les caisses
Une bonne partie de notre temps a été pris par la préparation du paquetage, incluant le bricolage et le test du matos. Pour ceux que ça interesse on a détaillé le sujet ici.
On teste aussi et surtout les chevaux! Wiki se remet dans le bain facilement. On le charge de quatre-vingt kilos et on randonne quatre heures, il prend un rythme régulier qu'il garde jusqu'à la fin. Il n'a qu'un point faible: quand Steph monte sur son dos, pour une raison non identifié à ce jour, il part au galop. Ce n'est pas immédiat, mais tôt ou tard je les vois disparaitre a vive allure, et parfois revenir tout aussi vite.
Pour Waka c'est moins facile. A la fois dominant et peureux, il a du mal a trouver sa place et son rythme. Il est tendu pendant toute notre "rando-test", un aller-retour de 30 km sur deux jours pour aller en ville les faire vacciner contre la gourme et le tetanos. Ceci dit il ne fait pas le moindre écart, même en plein coeur de la circulation, et on parie qu'après la période de rodage il sera (presque) aussi bien que Wiki.
Notre entrainement à nous consiste à vivre en campervan, au rythme de la météo qui alterne un peu de froid, un peu de pluie et un peu de beau temps. La liberté qu'il apporte fait oublier le confort basique. Ceci dit, on ne dit pas non à Robyn quand elle nous propose de garder sa magnifique propriété, son chat, son chien, ses deux chevaux, son Tui apprivoisé (oiseau endémique)... Et son wifi!
Le grand départ est pour demain, et on commence par une "station" (ferme) mythique: Molesworth. C'est la plus grande du pays, près de 50km de long. Paris et la petite couronne pourraient y tenir!
Cheval trouvé en route vers Molesworth
On part de Blenheim a pied, plutôt que de se relayer sur la selle. De toutes façons, avec deux semaines de nourriture, les chevaux sont déjà bien chargés. A lever le camp, marcher, monter le camp et s'occuper des chevaux, on a fait seulement 30 km (en deux jours!) et on est bien fatigués quand on arrive à Aotea. On y rencontre Jacky, Hirsh (?) et Marc leur fils qui leur a succédé à la ferme. Ils nous offrent un pré pour la nuit et nous dégottent trois chevaux à vendre, plus loin dans la vallée! Rien que d'y penser on est déja moins fatigués. On arrive le lendemain soir à Awapiri, pour essayer le premier cheval. On est accueillis par Eric et Sally Smith, et leur fille Eve. Le cheval est trop nerveux à notre goût, mais voir Eric à l'oeuvre avec lui est intéressant. On vot aussi leur moutons se faire tondre, un autre spectacle intéressant, auquel Steph asiste pour la première fois. Pour moi aussi il y a une certaine nouveauté: on est en territoire Merino. Avec leur peau ridée, les tondre est vraiment un art! On est invités à dormir dans les "quarters", où on a des voisins très mignons: des agneaux élevés au biberon!
On repart sur la route en gravillons qui suit la grandiose vallée de l'Awatere river. La route est presque déserte, mais on y croise notre maréchal ferrant, Earl! On rencontre aussi un "DOC ranger" (le DOC, department of conservation, c'est un peu comme l'ONF en France). Il est venu inspecter nos chevaux et équipement. On lui montre fièrement nos montures qui sont en forme et fraîchement ferrées, notre bât d'excelente facture et les équipements de sécurité qu'on a toujours sous la main. Heureusement il ne nous demande pas d'ouvrir les caisses: c'est assez sport de les remplir, les équilibrer, les soulever et les accrocher. Les enlever le midi pour le bien-être du cheval et le soir quand on s'arrête représente déjà bien assez de manutention!
Enfin, on rencontre deux cavalières, qui foncent littéralement sur nous: Nicky Stevenson et sa fille Jacky, d'Upcott station où on se rend. On rencontre par la suite le mari Bill et deux autres filles, Louise et Melanie. Il faut se méfier des apparences: ces jeunes et jolies filles, souriantes et féminines, sont de féroces chasseuses! Un soir les Stevenson mangeaient du sanglier. Ce sont elles qui l'avaient attrapé, avec l'aide de leurs chiens. Comme il avait la peau trop dure pour qu'elles arrivent à l'achever avec une dague, elles l'ont noyé!
Les Stevenson ot plein de chevaux et en attendent davantage car cinq de leurs juments sont pleines. Après avoir entendu parler de nous ils on décidé de nous vendre un cheval, à choisir parmi deux de leurs juments (non pleines!). On choisi Fern, qui était le cheval de Louise (pour ne pas dire son poney...). Une semaine s'est déjà écoulée est on en est plus que satisfaits, c'est une adorable petite boule d'énergie. On a passé la semaine à l'équiper, la faire travailler, la faire ferrer, sans oublier d'aller s'éclater avec les chevaux à cru dans la rivière toute proche. Nicky et Bill Stevenson sont très sympas et nous laissent utiliser l'ancien réfectoire (qui date de quand il y avait beaucoup d'employés), reconverti en gîte. Ils nous ont donné des peaux de moutons, qu'on a tondu pour les ajuster au dos des chevaux. C'est une expérience intéressante, on se rend compte que la peau n'a à première vue rien à voir avec du cuir, et qu'on ne gagnerait pas notre vie à tondre les moutons!
Avant de partir, les Stevenson nous ont conseillé de passer une nuit dans leur "hutte", ce qu'on a fait, moyennant une ballade de 32km, sans même sortir de chez eux! Maintenant nous sommes prêts pour le Molesworth.
Printemps, automne, hiver et printemps à nouveau
On fait étape à Middlehurst puis à Cob Cottage, un petit camping à l'entrée de Molesworth. On y rencontre le manager Jim Ward qui nous explique qu'on a trois jours pour parcourir les 60km de la station, après quoi le rassemblement annuel du troupeau commence. L'opération prend trois semaines et se fait à cheval, dans la direction opposée à la notre... On s'attaque donc sans attendre à la traversée de la plus grande ferme de la Nouvelle Zélande. C'est une expérience forte de traverser ces plaines immenses, entourées de montagnes, guidés par un chemin carrossable qui semble s'étirer à l'infini. Des petits cols dévoilent plusieurs fois par jour de tous nouveaux paysages. Pas le moindre édifice n'est en vue, hormis deux aires de repos pour les touristes qui viennent se balader en voiture ou en moto. On en croise quelques uns, mais la plupart du temps on est seuls avec les éléments. On campe le soir le long de rivières, dans des coins superbes, rien que pour nous. Les chevaux doivent être attachés soigneusement, car ils pourraient faire jusqu'à 30km sans rencontrer de clôture. Pour pimenter les choses, on est soumis à tous les temps possible: du soleil, de la pluie, du vent, mais aussi de la grêle et de la neige, parfois dans la même journée! Chevaucher dans l'ile du nord était un voyage, dans l'île du sud c'est une aventure. Steph prétend avoir été induit en erreur par l'idée d'un voyage "dans le sud", qui est synonyme de chaleur (mais ça, c'est valable uniquement dans l'hémisphère nord!).
C'est à la fois fatigués et ravis du voyage qu'on arrive au campement Acheron, à l'autre bout de Molesworth. Les chevaux sont logés à l'aérodrome, dont la piste clôturée sert de paddock (les chevaux trouvent que c'est aussi un bon champ de course).
On en profite pour se reposer, vérifier dans la Clarence River qu'ils savent bien nager, et attraper des lapins, en suivant les conseils donnés par Spike avant le départ. C'est Tim, le "DOC Ranger" en faction, qui nous montre comment les dépecer. Il veille sur les lieux et sur ses usagers, nous en particulier!
St James, la Mecque de la rando à cheval
On récupère le campervan, ce qui est prétexte à un brunch chez les Stevenson et un lapin à la forestière chez Spike (la fois précédente, c'était Robyn qui nous avait régalés!). Chez Spike, un
colis que l'on n'espérait plus est arrivé: un chargeur solaire, qui devrait nous éviter de tomber en panne de carte topographique numérique dans les coins les plus reculés.
On laisse le bât dans le campervan et on voyage léger pour la dernière étape jusqu'à Hanmer spring, le grand centre urbain de la région: presque 1000 habitants. Ainsi on peut pour une fois monter
Waka, et galoper! (Waka s'est imposé comme cheval de bât car son pas très rapide fait qu'il est plus facile pour lui de suivre les autres que l'inverse. Et il s'est révélé plutôt bon pour
slalomer entre les arbres sans cogner les caisses.)
A Hanmer les chevaux sont hébergés par Zelda et nous par Mary, femme de cheval et restauratrice. Elle nous délecte de ses talents de chef et de ses histoires de chevaux. On apprend que Sean, un
chasseur d’opossums, passe tout l'hiver seul avec son cheval dans un refuge de montagne, a une quarantaine de kilomètres de là. Sur les conseils de Mary, on se dirige vers ce refuge (Stanleyvale
Hut) dans l'espoir de le rencontrer, et on ne reviendra finalement qu'au bout d'une semaine, complètement émerveillés! On découvre Saint James, une immense ferme (environ 780km2) récemment
transformée en parc naturel par l’État. Il n'y a plus de bétail, mais il reste une horde de chevaux à l'état sauvage. Le parc est parcouru de sentiers qui mènent d'une vallée à l'autre. On y
trouve un lac (Lake Guyon) et de très nombreux cours d'eau. Il est d'ailleurs nécessaire d'avoir un cheval pour garder les pieds au sec, et encore! Plusieurs refuges, dont la plupart sont en
accès libre (premier arrivé, premier servi!), et dont certains sont même équipés d'un pré pour accueillir les chevaux, permettent de s'abriter. Les meilleurs ont une cheminée. On aurait aimé St
James de toutes façons, mais avec Sean on adore! On le rencontre dès le premier soir, à Fowlers hut. En fait on rencontre d'abord son cheval pie, No Name, qui sans avoir besoin d'être attaché se
trouve toujours dans les parages de son maître et compagnon. Tous deux nous emmènent par un sentier époustouflant jusqu'à leur repère, Stanleyvale hut. On y rencontre deux chasseurs, venus
eux en hélicoptère! Waka est mis à contribution pour ramener une carcasse de biche jusqu'au refuge, Steph pour le désosser. Sean cuisine avec art le cœur et le foi, ça nous change du tofu et des
lentilles! On se rend à cru jusqu'au Lake Guyon, dans l'espoir de pêcher des anguilles. (Presque tous les jours, on pose la ligne, ainsi que notre piège à opossum/lapin/lièvre, mais jusqu'ici on
n'a réussi à attraper qu'un seul lapin. Par contre on a réussi très facilement, et même sans le vouloir, à piéger une souris dans nos caisses!).
Point d'anguille, mais on tombe sur un groupe d'adolescents en colo rando-velo-rafting qui sont ravis de faire des tours de poney sur Wiki et Fern!
Une autre belle rando avec Sean nous amène à Pools hut puis à Anne's hut. Il connaît le terrain comme sa poche et nous fait prendre des raccourcis qu'on n'aurait jamais tenté nous-même: raides,
pierreux, impressionnants. Mais les chevaux n'y réfléchissent pas à deux fois et s'en sortent à merveille. Cette expérience nous sera bien utile car le lendemain, après avoir pris congé de Sean,
on doit s'engager sur des terrains similaires pour négocier la traversée de notre première rivière importante: la Waiau river. Sean nous a briefés: "Rappelez vous que vous pouvez toujours faire
demi-tour même si vous avez déjà traversé les 3|4 de la rivière". Après deux tentatives ainsi avortées, et avec l'aide d'un local qui nous fait des signes depuis l'autre rive, nous arrivons à
trouver le bon endroit pour traverser. Une fois sur l'autre rive, ça n'a plus l'air si terrible, on a juste eu les pieds mouillés! Les chevaux ont l'air de s'être bien marré, a éclabousser en
tappant du sabot à la surface de l'eau.
Sur le reste du parcours, plus de difficulté. Au contraire, on profite d'une source d'eau naturellement chaude pour faire trempette!